Choisir de vivre, même avec Charcot
- Gérard PIARD

- 27 juil.
- 3 min de lecture
Il s’appelle Habib Bendjeddou. Ancien marin-pompier, il vit aujourd’hui dans le Var, entouré de ses proches et de ses auxiliaires de vie. Il est atteint de la maladie de Charcot – ou sclérose latérale amyotrophique (SLA) – une pathologie neurodégénérative implacable, qui détruit progressivement les fonctions motrices, jusqu’à rendre toute action impossible, même respirer. Mais Habib a fait un choix clair, lumineux, radical : celui de vivre.

La maladie l’a frappé brutalement en 2021. Très vite, il a perdu l’usage de ses jambes, de ses bras, puis de ses muscles respiratoires. Il vit depuis chez lui, totalement dépendant, relié à une machine pour respirer, incapable de bouger seul. Un tel tableau pourrait sembler insupportable. Et pourtant, Habib rayonne. Il plaisante sur sa ressemblance avec Vin Diesel, il s’amuse de ses nouvelles coupes de cheveux, il provoque avec tendresse celles qu’il appelle ses « drôles de dames » – ses auxiliaires de vie, qu’il aime autant qu’il les taquine. Ce rire, il en a fait une arme. Il le dit lui-même : « La plaisanterie est un muscle cardiaque, elle fait vivre. »
À l’annonce du diagnostic, il a vacillé. Il a songé à en finir. Il a même dit à ses proches qu’il voulait mourir. Mais il a résisté. Il s’est appuyé sur son passé de marin, sur ses valeurs, sur l’amour des siens. Puis il a fondé une association pour sensibiliser à la SLA. Il a décidé que, tant qu’il pourrait transmettre, faire rire, partager, il continuerait. Aujourd’hui, totalement paralysé, il continue de vivre intensément. « J’ai pris conscience que le temps n’a pas de longueur, je vis au jour le jour, et je suis content chaque matin de me réveiller. »
Ce choix de vivre, il le revendique comme un acte de liberté. Habib est un homme debout, dans un fauteuil. Il nous rappelle que la dignité ne dépend pas de l’autonomie physique, mais de la capacité à rester un être de relation. Il ne revendique pas le droit de mourir, mais le droit d’être accompagné, entouré, aimé. Son quotidien est un défi, mais aussi une fête : il organise des blagues, des surprises, et fait preuve d’un appétit de vie rare.
À l’heure où la société française débat de l’euthanasie et de « l’aide à mourir », son témoignage est d’une force inouïe. Il montre que même dans l’extrême dépendance, on peut choisir la vie. Il ne nie ni la souffrance ni les difficultés, mais il affirme avec force qu’il n’a pas besoin qu’on l’aide à mourir. Il a besoin qu’on l’aide à vivre. « Personne ne peut réglementer mon envie de mourir ou de vivre. On veut placer la culture de la mort avant celle de la vie », affirme-t-il.
Ce témoignage rejoint pleinement la stratégie de fin de vie que je défends : refuser la pente glissante d’une société qui, sous couvert de liberté, propose aux plus fragiles de disparaître. Ce n’est pas cela la dignité.
La vraie dignité, c’est celle qu’incarne Habib chaque jour. Avec ses machines, ses regards, son humour, ses rêves. Sa vie est peut-être médicalisée, mais elle est profondément humaine.
Habib nous enseigne que la vie vaut toujours d’être vécue. Pas parce qu’elle est parfaite, mais parce qu’elle est relation, amour, combat. Ce n’est pas l’autonomie qui fait la valeur d’une existence, c’est la capacité à aimer et à être aimé jusqu’au bout. Et cela, aucun décret, aucune loi, aucun acte médical ne pourra jamais le remplacer.













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